En 1884, les principaux syndicats ouvriers des États-Unis se donnent 2 ans pour obtenir la limitation de la journée de travail à 8 heures. Ils lancent leur revendication le 1er mai, début de l’année comptable pour beaucoup d’entreprises américaines. Le 1er mai 1886, une grève générale est largement suivie dans tout le pays. De nombreux anarchistes sont engagés dans ce combat, sans toutefois perdre de vue leur objectif ultime d’abolition du salariat.
À Chicago, la grève se prolonge. Le 3 mai, à l’usine McCormick, plusieurs ouvriers sont tués par la police et l’agence de sécurité Pinkerton au service du patronat. Cette ville compte de nombreux quotidiens libertaires, publiés dans les différentes langues des communautés immigrées. L’Arbeiter-Zeitung (le Quotidien du travailleur), de l’anarchiste August Spies, tire à 5800 exemplaires. Suite à la violente répression de la veille, il appelle à un rassemblement le 4 mai au Haymarket Square. Spies, ainsi que deux autres anarchistes, Albert Parsons et Samuel Fielden, prennent la parole. Il est 10 heures du soir et il pleut abondamment. La manifestation s’achève, la foule se disperse. Il ne reste que quelques centaines de personnes sur la place, quand 200 policiers surgissent et chargent la foule. Venue d’on ne sait où, une bombe est lancée sur les policiers, qui ripostent en tirant sur la foule. On compte une douzaine de morts dont 7 policiers.
Les autorités sont furieuses, il faut des coupables. Rapidement, 7 anarchistes sont arrêtés: August Spies, Samuel Fielden, Adolph Fischer, George Engel, Michael Schwab, Louis Lingg et Oscar Neebe. Quelques jours plus tard, en solidarité avec ses camarades, Albert Parsons se livre à la police, persuadé qu’on ne pourra le condamner puisqu’il est innocent.
Le procès s’ouvre le 21 juin 1886. Aucune preuve n’est établie contre aucun des accusés, cependant c’est là l’occasion de faire le procès du mouvement ouvrier. Le procureur Julius Grinnel déclare lors de ses instructions au jury: «Ces huit hommes ont été choisis parce qu’ils sont des meneurs. Ils ne sont pas plus coupables que les milliers de personnes qui les suivent. Messieurs du jury: condamnez ces hommes, faites d’eux un exemple, faites-les pendre et vous sauverez nos institutions et notre société.»
Le 19 août, tous sont condamnés à mort, à l’exception de Neebe qui écope de 15 ans de prison. Un mouvement de protestation international se déclenche. Les peines de Schwab et Fielden sont commuées en prison à vie. Quant à Spies, Engel, Fischer et Parsons, ils sont pendus le 11 novembre 1887. Lingg s’était suicidé la veille dans sa cellule. Les capitaines d’industrie sont invités à assister à la pendaison.
En 1889, en référence aux évènements survenus 3 ans plus tôt outre-Atlantique, le congrès socialiste international de Paris adopte le 1er Mai comme Journée internationale des travailleurs.
Les «martyrs de Chicago» sont finalement innocentés et réhabilités par la justice en 1893.
Le 1er Mai est récupéré en 1920 par les bolcheviques, en 1933 par les nazis, et en 1941 par le régime de Vichy qui lui retire toute dimension subversive en le renommant «Fête du travail».
«C’est pour avoir dit aux gens que la seule façon de sortir de leur misère était d’abord d’apprendre quels sont leurs droits que ces cinq hommes ont été tués. Ce qu’ils représentaient était un idéal très élevé et noble de l’humanité, et ils ont été pendus pour l’avoir prêché aux gens du peuple, qui étaient aussi prêts à les pendre, dans leur ignorance, que la cour et les procureurs l’étaient dans leur malice! C’étaient là des hommes qui avaient une vision plus éclairée des droits humains que la plupart de leurs semblables et qui, mus par de profondes sympathies sociales, souhaitaient partager leur vision avec leurs pairs en la proclamant sur la place publique.»
(Voltairine de Cleyre)
«Le jour viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd’hui.»
(Dernières paroles d’August Spies sur la stèle du cimetière de Waldheim à Chicago.)